Après 40 ans
Un matin vient à poindre, tu voudrais te rendormir ;
Le coussin moelleux n’a plus ce beau soutien.
Fini le corps ajustable. Désormais le bourrelet
Réajuste gravement ton centre de gravité.
Tu tentes l’humour : super ! Idéal, pour flotter…
Mais le chagrin finit toujours par te gagner…
Tes paupières sont gonflées, sans avoir boxé.
Tu rêves de botox en craignant l’atrocité.
Tu t’imagines nue, en chirurgie réparatrice,
Les docteurs, pliés en quatre, devant tes cicatrices.
Tu les vois au combat : « Plaies ? Impossibles à fermer ! »
Et toi, tu gigotes. Un gigot rose bien trop cuit,
Un jambonneau à la place de la jambe qui fuit.
Imagine comment pisser va devenir un calvaire
Quand ton gras accumulé t’empêchera de te pencher…
Un soir tarde à venir, tu te dis tout déconne.
L’émail se fend, le cheveu s’effiloche,
La hanche s’étend, la ride s’accroche ;
La peau mollassonne, lâche, et se désordonne.
Faudrait tant d’apport pour renaître à l’état initial…
Tes luttes minimales ruinent le moindre effort…
Tu te demandes : pourquoi, d’un coup, ce ralenti ?
Comment s’injecter un peu de testostérone ?
Comment siffler la mi-temps des hormones ?
Bientôt trois ans que tu entres en quarantaine.
L’âge où la femme se sent souvent la reine ;
J’ai testé. Merci bien. La couronne ? Elle ira sur ma dent ;
La sotte a sauté. C’est malin. La fraîcheur vire au gris.
Ma rousseur passe à la rouille. Queue de vache.
Ce soir, ma fille, ce con de miroir abusif se fâche.
Changement brusque de perspectives :
Ma carcasse a l’excellence non-figurative.
Quel peintre assez saoul discernera mon trait ?
Celui que je viens de tracer sur cette photo ratée ?…
Le temps creuse les sillons, coudes flétris.
L’abdomen tout confiant décide d’agrandir sa ligne,
L’esprit seul et agile tente de rester digne.
C’est dingue. Je crois voir ma copie non conforme.
Plus rien n’obtiendra grâce à ce qui fût ma norme.
Le genou enrobe rotule. L’apesanteur capitule
Au buste qui pousse sans que personne ne l’ait sonné.
Un téton vise New-York, l’autre Moscou
Et les rangées d’années en collier sur mon cou…
N’ont que faire de ce tour du monde immonde.
Pff. Nous ne sommes pas toutes égales ;
Certaines l’ont estivale, les autres hivernale
Mais toutes auront cette espèce de bouffée
Un voyage étouffant où tu déclares forfait.
Ma peau se plie au moindre de ses désirs
Et chaque jour s’inscrit comme un cruel souvenir.
Une marque de plus dont je me passerai bien…
Aucune crème Made by Jésus n’a le pouvoir stoïcien
D’en gommer le fardeau comme un inévitable cadeau.
Dans cette pagaille énervante d’une vieillesse intrusive
Qui sait vraiment à quoi, du café vert ou des baies de Goji
J’essaierai de renoncer pour mener à terme l’unique stratégie ?
Comme la pendule peut être, à mi-parcours, agressive !
Ah si quarante faisait vraiment deux fois vingt !
Je rirais aux éclats sans crainte désabusée, du résultat.
J’écrirai la grosse vérité de peur qu’elle finisse en tas.