Laragne, quand j’étais enfant
A peine arrivée aux abords d’Aspres-sur-Buëch
Que déjà je respire comme un parfum connu
Les narines gonflées par les pommes et les pêches
Embaumant la vallée fruitière d’effluves soutenues.
Au bout de la route nationale, la joie certaine,
Je vois passer Serres, Eyguians et devine Ribiers
Le cœur léger à l’idée d’enfin fouler ces sentiers
Qui mènent à Beauvoir ou qui longent le Domaine.
Au panneau rouge et blanc indiquant la commune
J’entends midi sonner aux portes de l’église
Et Yvonne se presser pour ses courses diurnes
Le panier d’osier rempli de provençales friandises.
Laragne, terroir, m’accueille à bras ouverts
Au frais clapotis de sa fontaine immuable ;
Les volets colorés donnent une lumière à l’hiver
Où la neige, si rare, ne refroidit pas le sable.
Lorsque après la Chapelle et les pommiers d’Eysseric
J’accours, palpitante, vers la maison de Reyne,
Je sais que mes vacances apaiseront mes peines
En comblant mes jours d’un souffle bénéfique.
Montéglin a conservé chacun de mes souvenirs :
L’école aux volets gris, les chevaux de « Monsieur VIN »,
Le quartz des marnes vers lesquelles revenir
Et le rail SNCF par delà notre jardin.
Montéglin, peu à peu, a épousé le village voisin
Et d’ailleurs, de tous les jardins, pas un seul ne vaut,
Celui que mes grands-parents ont planté un matin ;
Je ne saurais dire à quel point je le trouve beau.
Peut-être est-ce là que le temps des semailles
A bien voulu s’arrêter pour me faire apprécier
Rien d’extraordinaire et pourtant tant de détails
Qu’un tableau à lui seul ne pourrait expliquer !
Laragne est mon pays, Laragne est toute ma vie ;
Je languis ses jeudis où les chalands exposent
Sur la Place des Aires ou rue de la Mairie
Leurs fruits et légumes, leurs tissus plein de roses,
Les caisses débordantes, empilées jusqu’à la gare
Et les stands alléchants de tourtons et de pains ;
Les enfants crient, souvent les vieux se serrent la main ;
Comme il est bon de croiser leurs fébriles regards !
Laragne est mon ultime chemin, ma délivrance
Le fond d’une vallée au bord de la Durance
Et je devine à son paysage balayé par le vent
La richesse de sa terre, le bonheur de ses gens.
Je suis partie heureuse mais toujours revenue
A l’appel des souvenirs, entre Gap et Sisteron,
Ce coin de paradis, tel que je l’ai vécu
N’aura pour moi, aucun obscur horizon.
Quand le soleil du mois d’août, orange sang,
Se laisse descendre au creux de Châbre la montagne
Jamais le ciel abricot n’est plus splendide et ardent
Que paré de ses nuages d’or surplombant Véragne !
Laragne est mon village, Laragne m’appelle
Et chaque fois que je l’entends, j’accours
Pour respirer ses violettes comme autant d’amour
Et recevoir en retour des milliers d’étincelles !